ADIEU LES REBELLES





Adieu les rebelles !

de MARIE-JOSEPHE BONNET

Flammarion, 2014

 
Adieu les Rebelles ! Est un livre éminemment politique. Écrit à la suite des mouvements de protestations LBGT pro " mariage pour tous" voté en France en 2013, il retrace l'histoire de la mobilisation féministe depuis la création du MLF jusqu'aux jours d'aujourd'hui où les hommes, les gays, revendiquent leurs droits à l'enfant.

Pourquoi ce livre au milieu d'ouvrages traitant plus des relations entre la femme et les traditions que d'événements "sociétaux" (je mets des guillemets car je trouve cette expression un peu bon-chic bon-genre, très révélatrice de l'esprit bo-bo régnant dans les cours carrées des palais de la république bourgeoise bien pensante parisienne) ?

Donc, pourquoi ?

Marie-Josèphe Bonnet fut une des seules femmes intellectuelles, féministes, revendiquées lesbiennes, qui eurent la force et le courage de se prononcer contre l'idée prédominante dans les quelques rares médias qui donnèrent la parole à une autre voix que celles, manichéennes, entendues partout ailleurs. Et le jour où j'ai pu avoir accès à une de ses interviews dans laquelle elle expliquait sa position, c'était dans les pages... du Figaro. Pourquoi cette femme de gauche, militante de toute une vie pour la libération des femmes en générale et des lesbiennes en particulier, se retrouvait interviewée par le Figaro ? Simplement parce qu'aucun des grands organes de gauche n'avait accepté de relayer une opinion par trop dissonante.

J'appelle cela de la discrimination.

La mise en place de la loi du mariage pour tous, la stratégie politique qui permit l'érection de cette loi, divisa la France en deux :

  • D'un coté les bons, les pro.
  • De l'autre les méchants, les anti.

On ne pouvait pas être anti de gauche et pro de droite, on ne pouvait pas être pro-oui-mais-réfléchissons-sur-certains-aspects et anti-mais-on-peut-discuter.

Comprendre la position de Marie-Josèphe Bonnet ;

C'est vrai, il peut être doux pour tout homosexuel de pouvoir vivre une vie "normale", se sentir reconnu et à l'abri. A l'abri des moqueries, à l'abri du rejet. Si mon couple capote, si je meurs que devient mon conjoint ? Le mariage des couples homosexuels est le même que celui des hétérosexuels, il permet de sécuriser les personnes. Il permet aussi une reconnaissance sociale et familiale et une liberté d'égal à égal vis à vis des couples hétéros. Maris-Jo Bonnet remet cette revendication dans le contexte, vrai, de l'après épidémie du sida qui fit d'énorme ravages dans les communautés gays.
Gays.
Car si on y regarde de plus près, on observe qu'effectivement la revendication pour le mariage pour tous est essentiellement une revendication pour le mariage gay. On a souvent tendance à amalgamer, même aux USA, gays et lesbiennes. On pense que puisqu'ils sont "homosexuels" tous les deux, alors leurs besoins sont les mêmes.

Pas du tout.

Le gay peut se satisfaire d'une existence dans une société patriarcale, la lesbienne ne le peut pas du tout. Il peut parce qu'il est l'apologie même du pouvoir Mâle au sein d'un monde fait pour et par les hommes Mâles (on traite souvent le gay de sous-homme ou de femmelette, parce que l'on reste trop dans une idée schématisée du couple passif/actif. En réalité, le couple homosexuel échappe à cette vision judéo-chrétienne du rapport femme/homme). Elle, ne peut pas parce qu'elle est totalement Femelle au sein d'un monde fait par et pour les hommes Mâles ne contenant pas une goutte de féminité.

C'est sans aucun doute la raison de la présence importante des lesbiennes dans les groupements féministes. Elles sont les premières concernées, les premières expérimentatrices du dépassement obligé des limites, des rôles imposés aux femmes dans nos sociétés machistes, simplement par nécessité (il faudrait que les féministes hétéro comprennent cela et cessent de dénigrer les interventions des lesbiennes au sein du mouvement car elles prennent alors le risque de jouer le jeu d'une tradition qui refuse à la femme sa capacité d'indépendance sociale et intellectuelle).

Une lesbienne ne va jamais attendre d'un homme quelconque qu'il la "sauve", elle ne peut épouser aucun homme pour la carrière de celui-ci, elle ne va jamais pouvoir se contenter d'un salaire de seconde zone parce que sa compagne ne va pas forcément gagner beaucoup plus qu'elle. Une lesbienne est moins "libre" qu'une hétéro parce qu'elle est obligée de subvenir à ses besoins par elle-même.

Ce que revendique une lesbienne c'est sa liberté à entamer une carrière professionnelle totale et reconnue, c'est aussi ne pas être jugée parce qu'elle n'est pas mère ou qu'elle porte des pantalons, ne se maquille pas, n'est pas "féminine" - suivant la conception qu'ont les hommes de la "féminité" (= objet de désir).

Bref. Nous voyons bien ici à quel point les buts sont différents.
La lesbienne veut s'intégrer en tant qu'individu actif dans le monde, le gay veut s'installer dans une bulle sécuritaire et rassurante.
Je schématise en gros car il est évident et même souhaitable qu'il y ait des intermédiaires entre ces deux positions extrêmes. Ce sont ces intermédiaires qui permettent le dialogue. Mais ce qui est intéressant ici, si l'on décrypte bien les choses, c'est de percevoir qu'il est difficile d'assimiler totalement les réclamations des uns aux nécessités des autres. Il ne s'agit pas de discréditer le besoin des gays vis à vis du mariage, il s'agit de bien intégrer l'idée que malgré la volonté des personnes pratiquant une sexualité "hors normes", selon les normes traditionnelles françaises, de se rassembler pour se renforcer sous l'acronyme LGBT, la Lesbienne est différente du Gay qui est différent des Bi.e.s qui est différent.e du.de la Trans. Et il ne s'agit pas de faire acte de séparation mais acte d'adaptation que de reconnaître ces différences. La différence n'est pas une opprobre elle est au contraire une merveille car elle permet à chacun d'élargir son expérience et d'accroître sa conscience. En réalité, nous devrions revendiquer notre droit à la différence, nous devrions rejeter la normalisation en tant que perte de notre originalité et de notre potentiel créatif.
Plutôt que de réclamer le même mariage, les mêmes soi-disant droits à l'enfant que les autres, nous devrions nous atteler au travail de l'évolution et de la transformation des fondamentaux de notre société afin que le poids culturel et social s'allège sur nos épaules.
Car c'est effectivement le poids de l'environnement culturel et social qui exige de nous notre entrée dans la normalité.

C'est peut-être ce poids là que Marie-Josèphe Bonnet oublie lorsqu'elle aborde le "droit à l'enfant" réclamé par les homosexuels de tout bord.

Elle s'étonne de voir la position évoluer chez les femmes de "mon corps m'appartient et je choisis le moment d'avoir un enfant" à "le but de mon couple est de procréer par tous les moyens car j'en ai le droit comme les autres" (on devrait de plus se demander qui sont ces autres et qu'est-ce que la normalité ? ). Elle pense que cette évolution vient des gays.
Ce que je ne crois pas. Pas particulièrement.

En réalité quelle est l'énorme différence entre la génération des baby-boomers et celle des jeunes gens d'aujourd'hui ?

En 1960 la télévision était encore fort rare dans les foyers. Si les messages publicitaires étaient au moins aussi stéréotypés qu'aujourd'hui, ils étaient plus récents et surtout beaucoup plus rares ! Il n'y avait pas ou peu de dessin animés véhiculant les idéaux de la famille patriarcale (les Shadocks par exemple ne véhiculaient rien de particulièrement conventionnel...) et surtout, nous en étions à la première génération "d'enfants télé". Les esprits restaient libres et constructifs - ils étaient de plus profondément choqués par les conséquences des deux guerres mondiales et voulaient sortir des impasses politiques qui généraient encore d'autres guerres traumatisantes.

Aujourd’hui nous sommes à la quatrième ou cinquième génération télé ! Des enfants imbibés de famille ricoré qui vont au moins une fois par an à Noël au cinéma voir un Walt Disney (lire la dernière chronique Des Martiennes à ce propos).

Quel discours délivrent les messages publicitaires, les dessins animés et les bandes dessinées classiques ?

Couple = papa (qui travail) + maman (à la cuisine et au ménage) = enfants.

On oublie trop souvent le rôle de la télévision dans l'évolution des mœurs des jeunes générations. On oublie le bombardement subit dès le plus jeune âge par plusieurs générations d'enfants et, désormais, de parents. C'est ce message, perturbant, intrusif, violent, qui engendre ces revendications étranges et totalement opposés aux intérêts réels des personnes, ces fascinations pour une société hyper libérale et toujours plus patriarcale (malgré ce que l'on en dit) et cette espèce de généralisation de la bonne pensée/bonne conscience envahissant notre quotidien (le faux bio, par exemple, les pétitions sur le web, la défense des grandes causes sans remise en question de sa propre discipline, etc.) tout en maintenant un rythme de vie totalement égoïste et borné ; ma voiture, mon confort, ma télé, mon réseau web et mon bébé. Parce que "Je le vaux bien".

Hier la communauté homosexuelle luttait pour une remise en question profonde de la société, aujourd'hui elle veut s'y fondre. Qu'importe le poids qu'elle ajoutera à la planète. La communauté LGBT veut consommer à outrance "comme les autres" et participer pleinement et avec joie à la surpopulation mondiale comme le rappelle si finement Marie-Jo Bonnet à la fin de son livre.

C'est ainsi que je place Adieu les Rebelles ! ici dans cet espace, parce que M.J. Bonnet représente une opinion forte et vraie, réellement réfléchie et éprouvée. Elle sort de la ligne de conduite préétablie par les institutions politiques et culturelles, elle a le courage de proposer une réflexion non-uniforme qui participe à l'élaboration d'une pensée diversifiée et multiple.

Qu'elle soit entendue.

 

ADIEU LES REBELLES ! de Marie-Josèphe Bonnet

Chez Flammarion, 2014
137 pages





 

 

 

 

 

 

 

 

 

RÊVER L'OBSCUR ; FEMMES, MAGIE ET POLITIQUE




de STARHAWK

Rêver l'obscur : femmes, magie et politique

Titre original :

 Dreamind the Dark. Magic, Sex and Politics

 

Réédité aux Éditions Cambourakis, collection "Sorcières", 2015

Traduit de l'anglais US par Morbic

Nous pouvons le dire sans préambule, Starhawk est une sorcière. Une vraie. Une sorcière païenne se revendiquant héritière de ces femmes qui, en Europe au cours des XVIe et XVIIe brûlèrent en place de grève, comme on disait à l'époque, pour éréthisme. Tout un courant, fragile et ténu alors, bien que millénaire et d'une grande richesse, disparut presque définitivement de la surface de la Terre.

Les Sorcières disparurent.
Les tenants des religions judéo-chrétiennes dansèrent autour des bûchers.
Une formidable et splendide culture s'évaporait.

Car, ce n'est pas vrai, les sorcières n'étaient pas méchantes, elles n'étaient ni bossues, ni laides, ni vieilles (du moins pas tout au long de leur vie), elles n'avaient pas de nez crochu, elles ne pratiquaient ni le sacrifice humain ni la magie noire. Elles ne travaillaient pas uniquement dans leurs intérêts mais dans l'intérêt des autres, de la communauté, du village, des hommes et des femmes. Leurs avis représentaient la sagesse divine, l'ancestralité d'une tradition empirique d'une nature immanente.

Une certaine écoute de la nature vivante au sein de laquelle l'humain se déployait, vivait, s'ébrouait comme une jeune pousse maladroite.

Femmes, Magie et politique, n'est pas un livre historique qui nous décrit la vie des sorcières avant et pendant le christianisme, il nous fait un constat de la situation économique et politique de l'époque moderne et se sert des concepts et vécus primordiaux pour nous offrir des solutions.

Mais en quoi les traditions païennes et ancestrales, abandonnées quasiment totalement depuis plusieurs siècles, oubliées, dénigrées, diabolisées même, pourraient-elles nous aider à résoudre le dilemme actuel ? En quoi ces traditions élémentaires, simples, totalement dénuées de connaissances technologiques pourraient comprendre notre problématique ?

Les anciens peuples vivaient dans les forêts, nous vivons dans des villes en béton. Ils semaient, récoltaient les fruits de la Terre au rythme des saisons, nous labourons, arrachons des produits de rentabilité immédiate au rythme des bons vouloirs des lobby agro-industriels, ils priaient la Déesse créatrice du monde, nous nous prosternons devant le Grand Dieu de la consommation sacrée.

Quelle leçon pourraient donc bien nous apporter nos si anciens ancêtres alors qu'ils ignorent tellement la moindre miette de ce qui fait notre quotidien ?
Effectivement, ils n'ont rien à nous dire, nous avons juste tellement à regarder.
Regarder réellement le monde dans lequel nous vivons. Observer ce qui nous en éloigne, chercher à comprendre pourquoi nous en sommes arrivés là, et surtout, surtout, découvrir comment revenir à une situation de rééquilibrage et d'harmonisation.

Ayant refait le lien entre les anciens et les temps d'aujourd'hui, Starhawk observe, comprend et propose. Elle observe que depuis 2000 ans, depuis l'établissement du judéo-christianisme, depuis même l'arrivée des concepts de la culture arienne sur les bords de la méditerranée et l'Europe de l'Ouest, un déséquilibre profond a commencé à se creuser entre la Terre et l'humanité. Une humanité toujours plus agressive, plus exigeante, plus radicale et affreusement insensibilisée et suicidaire.

Quelque chose se passa un jour qui brisa un lien.
Cette chose, c'est le patriarcat.
Il détruisit le lien, le lien entre le paysan et la terre. Il créa la hiérarchie, la différence reniée, l'oppression du fort sur le faible, de l'homme sur la femme, du blanc sur le noir (le jaune et le rouge aussi d'ailleurs), de l'humain sur l'animal et la nature en général.

Pourquoi et comment ?
Ce n'est peut-être pas le patriarcat en lui-même qui engendra toutes ces situations dégénérées, c'est surtout sa notion d'un dieu « hors du monde ».

Expliquons-nous.
La Déesse est la créatrice de tout ce qui vit et existe sur la Terre et dans l'univers. Elle engendre, renouvelle, transforme, tue, ressuscite, broie, donne et reprend, bref elle crée le cycle de la vie et participe pleinement à chaque mouvement de cette vie. On la retrouve donc partout. Dans la pierre immobile, le brin d'herbe frissonnant sous la bise, elle est dans la bise même, l'arbre mémoire, le chevreuil furtif et l'humain bravache. Elle est même, j'en suis sûre, dans le câble électrique, dans le processeur de mon ordinateur. Elle est partout et tout est en elle. C'est ce que l'on appelle l'immanence. Nous sommes chacun une parcelle de la Déesse.

Cette particularité immanente de la Déesse fait que, étant tous une parcelle, une représentation très exacte et intègre d'elle-même, nous sommes tous égaux absolus. Toute personne possède de la valeur, toute opinion est écoutée, entendue ; toute existence respectée et sacrée. Il n'y a pas de suprématie, pas d'hégémonie, pas de recherche de conquête, pas de pêché, pas de paradis, pas d'enfer.

A contrario, le système patriarcal se base totalement sur la hiérarchie, car son dieu est unique dans un lieu unique qui ne se situe pas sur la Terre mais au-delà de la Terre, hors de l'existence charnelle. Ce dieu est immatériel, il rejette la chair, la sensualité qui, pour lui, représente la Chute et la Faute. L'incarnation est donc une punition, le but de tout être est de chercher à sortir de cet état de chute en réalisant des performances extraordinaires qui nous permettront au fur et à mesure de terribles sacrifices et d'une énorme soumission à Son autorité de monter les échelons pour atteindre enfin l'état supposément idyllique de non incarnation, d'Illuminé.

C'est cette idée de « montée des marches » qui engendre le concept de la hiérarchie, c'est la bataille provoquée par cette course au « dépassement » qui encourage le conflit entre les individus et/ou les groupes d'individus.

Mais la raison même de l'éloignement, de la désacralisation du phénomène naturel, de l'existence, de la vie en général, c'est justement cette position toute particulière de ce dieu « hors le monde ». Puisque dieu n'est pas de ce monde alors rien ici n'a de valeur. La matière est morte, sans vie sans âme à partir du moment où elle n'est pas humaine. L'incarnation étant la conséquence d'une faute, une punition donc, elle est maudite et indigne d'intérêt. Les religieux se flagellent, maltraitent leurs propres corps, ils maudissent et fuient la sensualité, abhorrent la sexualité et torturent sans vergogne persuadés du bien fondé de leur sadisme.

Plus le temps passe, plus le dieu s'éloigne, plus la vision du monde patriarcal se systématise. Au fur et à mesure que l'homme (car cette fois-ci, il s'agit essentiellement de l'homme) construit des machines, il s'identifie, et le monde avec lui, à ces mécanismes artificiels froids et mornes et conçoit le monde, la planète, la nature, la vie comme une machine bio-mécanique sans esprit ni conscience.

Le monde est un outil à son service.
Seul son profit immédiat compte.
C'est ici que nous en arrivons à tous les excès dont nous sommes témoins actuellement.
Destructions en pagaille de notre environnement – grâce auquel nous vivons, bien que nous ayons un peu tendance à l'oublier – massacres ignobles et innommables de tous les êtres vivants qui sont sensés nous accompagner ici (abattoirs industriels, élevages intensifs honteux, pêches excessives, destructions de forêts millénaires, etc., etc.), exploitation ignoble de la misère et de la faim de nos propres semblables.

Starhawk nous montre combien nous entrâmes dans un processus d'annihilation totale à partir du moment où notre vision se fit myope et qu'il nous fut impossible de percevoir la divinité dans toute chose. Le dieu « transcendant » non incarné engendra mort et souffrance.

Cependant, Starhawk ne se contente pas de faire le constat. Elle cherche des solutions et en propose plusieurs. Elle cherche, elle expérimente.

Au sein de son convent de sorcières, au sein de diverses associations et surtout au cours d'actions militantes anti-nucléaires, anti-militaristes ou encore anti-lobbying aux USA et en Europe. Car elle ne se contente jamais de théoriser, elle ne fait pas ses petites expériences en sécurité dans son petit « laboratoire » expérimental quelque part dans une ville confortable californienne. Elle va au feu, comme on dit. Et c'est justement cette faculté qu'elle a de prendre de véritables risques non seulement moraux mais également physiques (elle a fait plusieurs séjours en prisons) qui intensifie sa pensée en la rendant juste et sincère.

Rêver l'obscur ; Femme, Magie et politique nous raconte une très belle histoire, vraie, intense, nous ouvre aussi à un monde peu connu en France. Un monde spirituel non coupé de l'existence et des questionnements terrestres, un monde habité par une divinité en perpétuel évolution et pourtant d'une intense sagesse ancestrale et primordiale.

À lire absolument.

 

FEMMES, MAGIE ET POLITIQUE de Starhawk

352 pages
Aux Editions Cambourakis, Collection "Sorcières", 2015




 
 
 
 
 
 
 

ALLER PLUS LOIN

 

https://www.youtube.com/watch?v=zV-MsQYrW0g

Discussion sur les Sorcières néo-païennes avec Isabelle Stengers.

SOIRÉE FEMMES, MAGIE & POLITIQUE AUTOUR DU LIVRE DE STARHAWK RÊVER L'OBSCUR
19 JUIN 2015 // AU MILLE PLATEAUX
Rencontre en présence de la philosophe Émilie Hache, de l'écrivaine Anne Larue et de l'éditrice Isabelle Cambourakis
 
 Un article sur les Sorcières dans le Télérama.fr

EN TENUE D'ÈVE




En tenue d'Êve, Féminin, pudeur et judaïsme

de DELPHINE HORVILLEUR

chez Grasset, 2013

 
Delphine Horvilleur, une des deux seules femmes rabbins en France, questionne et remet en question les textes et les commentaires de la tradition judaïque. Son but étant, comme ici sur ce site, de réintégrer la femme dans l'action religieuse et par ce biais de lui rendre son rôle de sujet au sein de la société humaine.
Dans son livre, En Tenue d'Ève, elle nous explique que si les textes d'origine ne sont pas particulièrement misogynes, c'est souvent l'interprétation faite ultérieurement qui en transforme ou en déforme le sens. Mais en réalité, qu'est-ce qu'un texte sacré ? La réponse dépendra de la tradition dans laquelle il évolue. Car un même texte n'aura pas exactement le même sens, ni les mêmes conséquences, s'il est lu dans l'environnement culturel juif, chrétien ou islamique (par « ordre » d'apparition).
Donc qu'est-ce qu'un texte sacré dans la tradition juive ?
Qu'impose-t-il ? Que permet-il de comprendre, d'interpréter ?
Qu'est-ce que le Talmud ?
A quoi servent tous ces écrits accumulés aux fils des générations, des époques, des événements intra-judaisme et extra-judaisme ? Sont-ils parfois la trace des rencontres entre les diverses traditions, de l'influence qu'elles peuvent exercer les unes sur les autres ?
Dans ce livre très simplement écrit, très abordable, Delphine Horvilleur appuyant ses réflexions sur des moments bibliques parfois très connus, pour ne pas dire populaires, nous démontre l'évolution de la pensée religieuse, des dogmes et donc des mœurs et nous en rapporte au vrai sens du « mot ».
Le texte sacré n'est pas obligatoirement un monument réalisé pour s'enfermer sur lui-même, ce n'est pas une forteresse luttant contre l'arrivée d'une idée nouvelle. Bien au contraire, il s'ouvre aux nouvelles propositions, il accueille, intègre, reformule, joue – on le voit bien par les diverses expressions parfois très osées utilisées par D. Horvilleur. Le texte sacré est un être vivant, il s'alimente de tout ce qu'il peut attraper même lorsque l'idée présentée lui semble en totale contradiction avec ce qu'il a connu jusqu'ici.
Expression d'une vraie tradition particulière au judaïsme. Accumulation de près de 2000 ans de dialogues, d'échanges, d'évolution, le texte remplace le Temple détruit et jamais reconstruit. Il est le lieu carrefour entre le divin et l'humanité, entre toutes les humanités.
Justement.

A propos des humanités.
Qu'est-ce que l'humanité à la lecture des textes bibliques ?
Comment la femme s'est-elle retrouvée exclue de la définition d'humanité dans les traditions monothéistes en général et judaïque en particulier ? Cette exclusion a-t-elle un sens ? Est-elle définitive et depuis toujours ?
Nous connaissons tous l'anecdote de la pomme, du fruit défendu, de la faute originelle transformée en faute perpétuelle. Cependant, Delphine Horvilleur, reprenant les mots pour le sens qu'ils ont réellement nous révèle que la faute n'en était pas une, que la pomme n'était pas une pomme et nous donne la preuve qu'il nous faut être prudent devant ce que l'on nous assène de vérité absolue et irréversible. Et même si toutes ces histoires, ces petits événements, qui se succèdent tout au long de l'Ancien Testament (ce que nous autres de tradition chrétienne appelons l'Ancien Testament) semblent anodines, sans importance, de l'ordre de la fable et du mythe – donc sans existence propre – ce n'est qu'apparence car, nous le voyons bien aujourd'hui, les guerres de religions menées par les fondamentalistes ne sont par éteintes. Les trois monothéismes, pourtant de même origine, s'affrontent et se violentent plus intensément que jamais, chacun durcissant ses lois, ses propres préceptes et enfermant son humanité dans des limites intellectuelles, dogmatiques, de plus en plus restreintes, n'imposant plus qu'une unique version des textes.
L'exclusion, la mise à distance, la hiérarchisation permettent et constituent ce durcissement, n'admettant plus qu'un seul type de réflexion émanant de ceux-là même qui s'arrogent le droit, la capacité de réfléchir à la place de tous les autres. A la place de l'autre.
Et qu'est-ce que l'autre ?
Nous savons depuis le Deuxième Sexe de Simone de Beauvoir que la femme est un « autre », est-elle la seule ?
La femme n'est pas la seule « autre », car elle n'est pas la seule à interroger les textes, elle n'est pas la seule à proposer d'autres alternatives de sens et de compréhension. Il se trouve que l'humanité ne se borne pas à l'homme-mâle, elle ne se borne même pas à la dualité du couple homme-mâle/femme-femelle. Elle se déploie dans une infinité de possibilités/propositions sans cesse réinventées. Et si certaines de ces possibilités n'existaient pas encore au moment de l'écriture des textes, elles existent aujourd'hui. Nous devons en tenir compte et réadapter notre vision des dogmes en même temps que revenir à une tradition qui, au moment où elle prit naissance, était tout aussi ouverte, sensible, subtile qu'un nouveau né. Si nous devons revenir aux origines des traditions, nous devons admettre cela, l'origine est une enfance et l'enfance est souple. Elle est apte à l'apprentissage, ouverte à la curiosité, gourmande de nouveaux savoirs et de nouvelles conceptions de la vie, de l'existence. Elle aime découvrir de nouveaux sommets et dévaler le long des pentes des collines verdoyantes, elle aime se surprendre, fouiner l'inconnu, pénétrer des trésors longtemps inaccessibles.

C'est ce que nous suggère tranquillement la femme-Rabbin Delphine Horvilleur. Revenir à l'origine pour mieux reconsidérer l'humanité dans son entièreté et toute son intégrité, sans exclusion ni manipulation. Elle nous ouvre la porte de la culture judaïque et nous permet de mieux comprendre certains concepts fondamentaux tels que celui de la membrane, l'importance de la « peau » en tant que limite « définissante » en même temps que « passage » entre un extérieur et un intérieur. Concept sur lequel se pose justement l'interdit féminin, la pudeur et bien sûr le mythe de la Chute, la sortie du Paradis.
Cette histoire de « peau », de limite mal définie ne serait-elle pas la cause des problèmes actuels d'Israël ? Peut-être que ces problèmes seront-ils enfin solutionnés le jour où les exégètes traditionnels se seront résolus à réintégrer la femme à l'intérieur de l'action religieuse, lui permettant enfin de participer à la continuité, la perpétuation, du renouveau des écritures sacrées.
Car il faut bien se le dire, si l'homme a besoin de la femme pour perpétuer l'espèce humaine, créer sa descendance, il lui faudra bien comprendre un jour, et rapidement si possible, qu'il a aussi besoin de la femme pour perpétuer la pensée humaine et sa relation avec le divin.

N'est-ce pas pour prendre conscience du féminin qui est en nous que Dieu nous divisa en deux ?

EN TENUE D'EVE de Delphine Horvilleur
200 pages
Chez Grasset, 2013




 

ALLER PLUS LOIN

Delphine Horvilleur présente son livre En Tenue d'Êve, pudeur et judaïsme, à l'Institut français de Tel Aviv le 2 décembre 2013.
https://www.youtube.com/watch?v=bRV0yzMATic

L'ESPRIT DE SOLITUDE




L'Esprit de solitude

de JACQUELINE KELEN

Éditions Albin Michel

 
 
L'être humain est-il un animal social ?

Sans aucun doute oui. Et ce n'est mystère pour personne. Depuis que l'humain est humain, c'est-à-dire depuis le jour où il a pris conscience de sa différence, peut-être même depuis bien avant ce temps, l'humain ne sait vivre autrement qu'en meute, famille, clan, ethnie, nation. Le vivre ensemble, être ensemble, se rassembler, se ressembler furent depuis l'aube des temps ce qui permit à l'être humain de se connaître, de vivre et de durer.

En réalité cette spécificité humaine n'en est pas une, beaucoup d'espèces vivantes ont choisi cette optique de vie. Parce qu'à plusieurs nous sommes plus forts ? Parce que vivre en groupe nous permet d'expérimenter plus intensément chaque événement, plus vite, plus souvent ? Se confronter à plus d'idée, de propositions, d'options ? On dit souvent que l'animal social est plus intelligent que l'animal non social. Est-ce vrai ? Où est la part du préjugé dans cette sentence? Où est celle de l'observé réel ?

La vie en groupe, en famille, ensemble, implique généralement bien plus de renoncements que de renouvellement. Car finalement, ce qui primera, c'est le groupe, sa continuité à lui. Pour que le groupe se perpétue, il faudra bien souvent sacrifier l'originalité de l'individu, sa personnalité originale, sa force de créativité, sa formidable tendance à renouveler chaque jour sa réflexion et son observation des choses.

En réalité, il n'y a pas d'esprit créatif dans le groupe parce le groupe fonctionne avec des schémas préétablis, déjà de long temps expérimentés, éprouvés, tracés et désormais inaliénables à tous ceux qui s'inscrivent dans ce groupe. Appartenir au groupe c'est faire montre d'appartenance, c'est s'intégrer en laissant hors du groupe tout ce qui ne ressemble pas aux schémas ; rejeter sa propre histoire, son passé, son origine sociale, ethnique, culturelle, familiale ; rejeter en fait l'autre groupe auquel on ne peut plus appartenir, rejeter aussi sa propre intégrité.

Intégrité signifiant totalité, appartenir à un groupe c'est donc ne plus être total, entier, complet, mais être morcelé. Un morceau dedans, tous les autres dehors.

C'est ne plus être indivis.

Tous les migrants vous le diront.

Alors ? Vivre ensemble assurance du vivre mieux ?

Peut-être oui pour un certain niveau de l'être. Pour le confort, pour l'échange, pour l'entraide humaine. Mais sommes-nous obligés de vivre les uns avec les autres, les uns sur les autres en permanence, jour et nuit ? Vivre seul est-ce renoncer à ses amitiés ? A notre part d'humanité ? La solitude est-elle forcément une tare ? Une incapacité d'intégration ? La marque de notre débilité ?

Si l'on en croit le message éternellement répété par les institutions de quasiment toutes les sociétés du monde, oui, la solitude est une horreur à solutionner rapidement, urgemment même. Le célibataire, le solitaire est pourchassé jusque dans sa tanière la plus reculée, plaint, dénigré. « Il n'est pas de bon ton que l'homme soit seul » se dit le Dieu de la Bible devant sa créature, et pourtant, ne sont-ce pas des hommes, des femmes seul.e.s qui édifièrent les plus grands progrès techniques, artistiques, intellectuels et spirituels de l'humanité ?

C'est ce que nous démontre tout au long de son ouvrage Jacqueline Kelen. Par l'exemple de mythes héroïques, par le récit des vies de mystiques, hommes et femmes confondus, par les exploits de grands génies qui changèrent la face et le cours de l'histoire de l'humanité, Jacqueline Kelen nous raconte l'émergence de la particularité, de la singularité, de l'originalité assumées seules capables d'observation vraie, de réflexion, de remise en question profonde, bref, de contestation et donc de renouveau.

De Gilgamesh à Marguerite Porete en passant par Giordano Bruno et Nicolas de Staël, suivons la quête du héro solitaire, celui qui, parce que l'on ne peut comprendre le sens d'une quête autrement que dans le silence et le recueillement, sort de la foule bruyante et aveugle afin de l'aider à retrouver un regard neuf, enthousiaste et créatif sur les choses et les événements qu'elle rencontre.

Chaque héro a sa quête, parcours personnel, cependant tous cherchent au moins une chose : la rencontre avec l'éternité, le divin, ce qui en nous ne meurt pas.

Est-ce l'âme, l'esprit, l'idéal ? Est-ce Dieu ? Déesse ? Ou Dieux et Déesses ?

Chaque mystique a sa recherche spirituelle, son initiation propre, sa manière d'exprimer sa relation avec le divin. Et pourtant à la lecture de leurs textes une chose prévaut : cette relation entretenue entre l'être et l'esprit spécifique, unique et directe, sans intermédiaire.

Tout le monde n'est pas héro ni mystique, tout le monde n'est pas philosophe ou artiste. Pourquoi ? Parce que tout le monde n'est pas capable d'assumer sa solitude, de l'affirmer à la face du monde. Solitude qui lui donnera et l'espace et le temps pour suivre sa quête, qui lui permettra de s'ouvrir au divin et fera de sa vie une existence sacrée et reliée.

Jacqueline Kelen nous montre que de tous temps il y eut des solitaires, des ermites, des vagabonds, des chercheurs de toutes sortes qui s'écartèrent du monde et sortirent des ornières creusées par les dogmes des régimes socio-religieux installés. De tous temps la plupart de ces chercheurs furent poursuivis, maltraités, éliminés par ces régimes parce qu'ils proposaient un autre exemple d'existence, une liberté réelle qui, partant d'une relation divine hors norme, se manifestait par un comportement qui ne se référait plus aux lois imposées par ces systèmes. Ils obéissaient au contraire à d'autres lois et sortaient des références uniquement humaines, ils avaient compris que si le monde, la création, l'horizontalité, nous apporte une richesse d'expérience extraordinaire, cette richesse s'amplifie encore lorsqu'elle s'associe à l'expérience verticale, le monde céleste et invisible. Malheureusement cette richesse est souvent incompréhensible au commun des mortels, mortels parce qu'ils ne peuvent appréhender leur part d'éternité. Incompréhensible et inadmissible.

Ces mortels incompréhensifs le sont d'autant plus qu'ils ne savent pas voir l'âme, le subtil derrière chaque chose, toutes les choses qui les entourent et grâce auxquelles ils vivent. Les mortels sont mortels parce qu'ils ne voient et ne perpétuent que la mort. Une pierre est morte, un arbre est mort, une vache est morte ; tout n'est que matière sans vie, sans âme.

L'animal n'est même plus animé (doué d'une âme).

Et quand parfois ils perçoivent quelque chose d'un peu vivant, c'est pour tomber dans la superstition, la croyance absurde de contes ayant perdus leurs sens. Les contes deviennent des dogmes, des obligations incontournables, des comportements indispensables. Indispensables pour faire montre d'appartenance au groupe qui suit ces dogmes et écoute ces contes.

Voici donc pourquoi l'Esprit de Solitude est incontournable.

 

L'ESPRIT DE SOLITUDE De Jacqueline Kelen

Aux éditions Albin Michel en 2005
246 pages


 

ALLER PLUS LOIN

Jacqueline Kelen présente ses livres dont l'Esprit de Solitude au cours de l'émission Racine présenté par Nelly Thévenaz sur DailyMotion

http://www.dailymotion.com/video/xbbbti_jacqueline-kelen-et-la-pleine-solit_creation

http://www.dailymotion.com/video/xbfr70_jacqueline-kelen-et-la-passion-amou_creation

LES AMAZONES






Du mythe à l'histoire.

de GENEVIÈVE PASTRE

Collection les Octaviennes/Essais, Editions Geneviève Pastre

 

Dans son livre Les Amazones, Geneviève Pastre, philosophe et historienne, tente de replacer dans l'histoire les peuples Amazones afin, les sortant du mythe dans lequel elle estime qu'ils sont enfermés dans une sorte de fiction abusive, d'offrir aux femmes actuelles une racine historique.
Si je place ce livre dans ce site où il est plus parlé de spiritualité, de religion et de légendes (ou mythes) alors qu'il revendique une position forte contre ce que Pastre pourrait nommer la « mystification » ou fabrication des mythes à des fins généralement politiques de faits réels, c'est bien pour démontrer l'incroyable confusion entre l'histoire, les dogmes religieux et les mythes.

Qu'est-ce qui fait les mythes ?
Qu'est-ce qui fait l'histoire ?
On sait à quel point les mythes engendrent les identités des peuples, des nations, voire, des cultures. Sans y prêter garde nous acceptons des sortes d'événements, de faits, de gestes légendaires, héroïques, fabuleux, institués désormais comme réalité absolues non « questionnables ». Néron était méchant, bête et cruel, Charlemagne a créé l'école, les Grecs anciens sont les grands humanistes de ce monde et édifièrent notre civilisation occidentale... et les Amazones sont un mythe (et dans ce mythe, elles n'étaient vraiment pas sympas). Or, si l'on regarde chaque événement, on se rend très vite compte à quel point nos bases historiques sont fragiles et parfois même déviées, faussées, mensongères.
L'histoire en vérité se construit au fur et à mesure des besoins dogmatiques des puissances qui nous gouvernent. Attention, je ne parle pas ici de complots illuminati ou autres, je parle d'études, de réflexions faites sur l'observation des comportements des gens et de création d'histoire susceptible de répondre à une organisation précise d'un peuple et de sa hiérarchie supérieure.
Un exemple qui m'amuse beaucoup, c'est notre propre histoire de France. Depuis le XIXème siècle nos ancêtres seraient les Gaulois. Or, si tel était le cas, nous nous appellerions toujours « Gaulois » (mis à part les Grecs actuels, personnes ne nous appelle ainsi et encore moins nous-mêmes). Nous nous appelons « Français » ! Pourquoi ? Parce que nos véritables ancêtres, culturellement, étaient les Francs. Nous ne sommes pas d'origine gauloise, nous sommes d'origine germaine (un peuple parmi la Germanie).
Pourquoi avoir changé les choses ?

Parce qu'au XIXème siècle la France avait besoin de renouer avec des origines non catholiques (Clovis, premier roi du royaume des Francs s'étant fait baptisé par l'église catholique et ayant placé son peuple et son royaume sous l'égide de l'église romaine). Et voilà.
Après, bien sûr, on n'est pas obligé de vouloir réinstaurer la monarchie en France...

Cependant, le même processus a pu parfaitement se dérouler vis à vis des Amazones. Puisque les Grecs ne pouvaient comprendre qu'une femme sache guerroyer, administrer un clan, un royaume, une nation, puisqu'ils ne pouvaient admettre qu'une femme maîtrise son destin et soit non seulement l'égale de l'homme mais aussi, parfois, la détentrice de la linéarité génitale d'un peuple. Ils engloutirent leur existence à l'intérieur de formidables épopées héroïques et fabuleuses toutes bâties à leur gloire, la gloire du Mâle triomphant et puissant, la gloire de leur civilisation encore balbutiante mais hyper agressive de machistes invétérés.

Les amazones ont-elles existé ?
Personne ne pourra, dans l'état actuel des données, le certifier, du moins pas en tant que telles décrites par les Grecs (leur ennemi, il ne faut pas l'oublier). Cependant on sait, avec les travaux de Marija Gimbutas et d'autres, que de larges populations matrilinéaires existèrent durant des milliers d'années en Europe Occidentale avant l'arrivé de ce que nous appellerons désormais, les Indo-européens (Indo-européens dont font partie les Grecs de la deuxième et troisième générations). Et si l'on s'intéresse un minimum aux cultures qui nous entourent, on observe très vite que certaines survivent encore malgré tout.
Pourquoi le fait de prouver l'existence et la fonctionnalité d'autres types non seulement de cultures, mais aussi d'organisation sociales et religieuses est-il si important à nos yeux et aux yeux de Geneviève Pastre ?
Parce que depuis l'arrivée brutale des Indo-européens, depuis l'institution agressive et destructrice des dieux masculins sur cette partie du monde, tout un panel d'interdictions, de limitations, d'abus et de terreurs sans nom, c'est abattu sur cette partie du monde (et sur d'autres par la suite).

Geneviève Pastre se place sous l'optique lesbienne. À son sens les Amazones représentent une sorte d'ancestralité des lesbiennes d'aujourd'hui. Leur existence prouverait la viabilité des communautés indépendantes homosexuelles, leur pérennité, ainsi que leur intégration tout à fait envisageable, sans grosse remise en question de l'organisation de « l'ordre » actuel, au sein de nos nations.
Elles représentent aussi et surtout, à mon avis, une ouverture vers une autre forme de comportements, de réflexions et de croyances. Une sorte de retour vers la réintégration de la partie féminine, créatrice, accordées avec la Nature, complètement dénigrée actuellement quand elle n'est pas tout simplement éliminée (culturellement, spirituellement et physiquement).
Or ce retour passe aussi et surtout par la liberté sexuelle.
Être accordée à la Nature, ce n'est pas vivre à l'état sauvage, on n'a pas besoin d'ailleurs de vivre dans la nature pour trouver des expressions de sauvagerie, non, être accordée à la Nature, c'est être à l'écoute, c'est faire taire son intellect pour laisser s'exprimer sa sensibilité interne, sa capacité à accepter l'autre et ne pas chercher à détruire à des fins mercantiles et hyper individuelles.

Geneviève Pastre a-t-elle raison de se battre pour la reconnaissance de la réalité historique des Amazones ? Je dirais oui, en fait. Pour toutes ces raisons déjà évoquées, parce que l'on sait que c'est parfois en croyant les mythes que l'on fait d'étonnantes découvertes archéologiques (on se souviendra éternellement du cas de la découverte de Troie par Schliemann), parce que le passé n'est pas aussi immobile qu'on le dit et que des exemples antérieurs peuvent nous aider à reconsidérer notre avenir. À nous ouvrir des portes oubliées.
N'y a-t-il qu'une seule sexualité ?
La fameux partage des tâches hommes/femmes est-il inéluctable ?
Les dieux mâles sont-ils les seuls garants de notre transcendance et ce, à qu'elle condition ?
Qui sont ceux qui édifièrent cette culture patriarcale dans laquelle nous nous embourbons ?
Étaient-ils aussi civilisés qu'on le prétend ?
Pourquoi leur fut-il tellement important de détruire le culte de la Déesse, tellement important de mettre la femme au ban de la société, de la reléguer à l'état d'esclave et de chose ?

Pourquoi tant de haine vis à vis de la féminité ?
Vous trouverez sans aucun doute des réponses plus que pertinentes dans ce livre qui, pendant que l'on y est, vous permettra aussi de dépasser ce petit tressaillement de malaise que l'on n'évite que rarement lorsque l'on prononce le mot « lesbienne ».
Les réponses vous surprendront puisqu'elles ne se satisfont pas des préjugés ni des idées toutes faites, apprises à l'école données pour vérités absolues.
Ce livre est un petit trésor même si Geneviève Pastre ne serait sûrement pas très contente que je le place dans la section « Mythes ».
Qu'elle me pardonne.

LES AMAZONES De Geneviève Pastre

292 pages
Aux Éditions Geneviève Pastre, Collection les Octaviennes/Essais

Les Éditions Geneviève Pastre n'existant plus,
Vous trouverez ce livre que lorsqu'il sera réédité...





 

 


 

 

 

 

 

LE LANGAGE DE LA DÉESSE





de MARIJA GIMBUTAS

Editions des Femmes 2005

Préface de Jean Guilaine,
professeur au Collège de France.

Traduit de l'américain
par Camille Chaplain et Valérie Morlot-Duhoux.

 

Marija Gimbutas, archéologue américaine d'origine lituanienne, est née en 1921 à Vilnius dans un milieu où la moitié de la population est encore païenne. Plongée dès l'enfance dans une culture qui se réfère aux croyances anciennes de la Déesse où les relations à la nature et à la féminité sont importantes et paisibles, autant que dans une structure politico-religieuse chrétienne et fortement patriarcale, elle sera amenée à rechercher les liens et les divergences entre ces deux systèmes de sociétés.
Ainsi elle étudie très tôt la linguistique, l'ethnologie et le folklore, puis, à l'université, l'archéologie et les cultures indo-européennes (d'abord à Vilnius puis en Autriche à Innsbruck, pour enfin obtenir son doctorat à Tübingen en Allemagne en 1946).
Dotée d'une grande richesse culturelle, Marija Gimbutas va, sans réellement le vouloir, bouleverser les notions de l'archéologie, et donc de l'histoire classique, des temps modernes. Elle va réussir non seulement à théoriser mais aussi à prouver scientifiquement et empiriquement l'existence d'une civilisation pré-indo-européenne stable, étendue dans le temps et dans l'espace.
Stable parce qu'apparemment paisible et ne connaissant pas le conflit armé, parce qu'agricole et organisée en centres urbains relativement importants (jusqu'à 10 à 15000 habitants en Roumanie et Ukraine, culture dite de Cucuteni, - 4000 ans av. JC).
Étendue dans le temps car l'on estime qu'elle se développa sur plus de 25 000 ans. Les premières traces de la civilisation pré-indo-européenne datent de 35 000 ans avant notre ère.
Étendue dans l'espace car comprise sur tout le territoire européen actuel ainsi que le Moyen-Orient.

Pourquoi cette découverte fut-elle si importante ?

Tout simplement parce la civilisation en question se basait sur le culte de la Déesse et sur une organisation sociale que Marija Gimbutas va nommer « matristique » ou « gylanique ». Ce dernier terme repris par Riane Eisler dans le Calice et l'épée désigne une société structurée sur l'égalité entre les sexes (de « Gynè », femme en grec et  « andros », homme, le L faisant le lien entre les deux moitiés de l'humanité).
Elle remettait en question les théories précédentes qui toutes estimaient qu'aucune société n'avait jamais pu perdurer sans conflit, sans guerre, sans les valeurs viriles de l'agressivité, de la force et de la conquête. Depuis qu'Adam ne représentait plus notre ancêtre blanc, commun à tous les peuples du monde, depuis que l'homme se savait descendre du singe, il semblait normal au monde scientifique de penser que, puisque nous descendions du singe et que donc nous étions des animaux, comme toutes les « bêtes » nous dépendions intrinsèquement des lois naturelles. Or pour ces gens de laboratoire, la nature est forcément synonyme de sauvagerie (dans le sens où ils l'entendent eux-même, c'est à dire d'un état brutal, inconscient, stupide et sanguinaire) et de désordre. Pour eux, l'homme, afin de devenir l'Homme qu'il était aujourd'hui, avait du passer par un lent et subtile processus d'amélioration, d'évolution, d'acquisition conceptuelles, intellectuelles, culturelles... et physique.
L'Homme moderne était forcément plus beau, plus intelligent, plus « civilisé », c'est à dire plus apte à s'organiser et à vivre en communautés hiérarchisées, béni et protégé par les valeurs spirituelles des religions patriarcales supérieures. Pour passer de l'homme primitif, primaire et bestial à l'homme civilisé, il avait du se dégager de tout ce qui faisait de lui un être « de la nature », se dégager de la Terre, se défaire des mystères de la rondeur organique vivante de la Mère, pour ne se consacrer finalement qu'à la ligne droite, le Ciel et le Père autoritaire et rayonnant. L'Homme moderne, l'homo sapiens sapiens, comme il se plut à s'appeler lui-même, était le but, l'ultime finalité de 14000000000 d'années d'évolution absolue de toute la création universelle.

Voilà l'image.
Donc 14 milliards d'années.
Des milliards de tonnes de matière.
Encore plus de milliards de tonnes de non-matière ;
Le tout dispersé n'importe comment au milieu d'un espace vide astronomique.
Tout ça pour qu'existe un jour, un petit bouillonnement, sur un petit grain de poussière perdu là-bas sur un bras périphérique d'une galaxie quelconque au joli nom de Voix Lactée.
Les concepts intellectuels des religions patriarcales dans toutes leur splendeur. Beaucoup de bruit pour pas grand' chose... Mais aussi beaucoup d'orgueil car il aurait fallut tout ce déploiement de puissance matérielle pour donner à l'homme un espace de vie. L'Homme seul créature du seul Dieu au milieu de cette incroyable immensité d'espace et de temps.

Revenons sur Terre.
Autres mœurs, autres conceptions.
La Terre est un être vivant, riche, magnifique et merveilleux qui, profitant un jour de sa position dans l'espace, proche d'une étoile mais pas trop, accompagnée d'une lune chronomètre et d'étoiles bienveillantes, mit au jour le premier être vivant. Qu'importe qu'il fut minéral, végétal ou animal, il était forcément doué d'une âme. Qu'importe qu'il fut mâle ou femelle, les deux ou aucun, il était la Vie. La Terre enfanta et la Déesse s'épanouit par toutes ces âmes qu'elle engendrait, partageant avec elles sa divinité mystérieuse.

Car la vie est un mystère, un mystère incompréhensible et pourtant accessible, un mystère qui, lorsque vous le regardez de près, lorsque vous « prenez » le temps de le voir, vous remplit d'une admiration sans borne, d'un enthousiasme incommensurable parce qu'enfin vous percevez l'entendement des choses.
C'est ce mystère que découvrit Marija Gimbutas au cours de ses fouilles archéologiques, de ses recherches linguistiques et ses travaux sur les mythes populaires. Petit à petit elle parvint à reconstituer un langage anciens fait d'images et de symboles, fait d'objets et d'art de vivre. Tout était écrit, tout était déjà dit, il suffisait de lire. Mais pour lire ces concepts « nouveaux », il fallait aussi mettre son cerveau dans une autre disposition, l'ouvrir à d'autres idées, le réveiller à de très très vieux souvenirs. Car c'est vrai que s'ils paraissaient nouveaux ces concepts, ils étaient loin de l'être en vérité. Ils étaient tout au contraire très très anciens, ils faisaient partie des premiers fondements des premières civilisations organisées européennes. Ils étaient bien plus anciens que cet homme bestial, brutal, que nous décrivaient les scientifiques des laboratoires.
Ils appartenaient à une civilisation précise, cultivée, spirituelle, où l'humain était entier parce qu'il n'avait pas rejeté une partie de lui-même, la femme.

Une civilisation strictement féminine a-t-elle existé telle que décrite par les Grecs à propos des Amazones ?
Il semblerait bien que non.
Pas de trace d'hégémonie féminine, pas d'empreinte de femme guerrière et sauvage, pas de seins coupés ni d'hommes réduits à l'esclavage par de rudes femelles.
Pas de matriarcat dans le sens donné au terme « patriarcat » .
Les scientifiques commencent à comprendre, à admettre, depuis quelques temps que pour évaluer un peuple, il est préférable de ne pas se fier aux descriptions de ses ennemis mêmes lorsqu'ils nous sont plus proche culturellement. Grâce à des chercheurs du type de Marija Gimbutas, l'histoire se redessine et s'entrevoit différemment, s'enrichissant de toute la diversité des peuples, des cultures dont elle est en réalité constituée. Nous traversons les rumeurs, les légendes, les mépris que certains posèrent sur toute entité « autre », nous retournons à l'endroit les symboles renversés, tronqués, déformés, et sommes enfin prêts à accueillir le message pré-indo-européen que nous propose ce merveilleux ouvrage.
Je vous laisse donc profiter d'une lecture qui, quoi que vous pensiez, qui que vous soyez, ne vous laissera pas indifférent.e.s.

LE LANGAGE DE LA DEESSE DE Marija Gimbutas.

paru aux Éditions des Femmes en 2005.

415 pages,
Conception graphique (très belle d'ailleurs) de Céline Farez et Virginie Rio





 

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